Pour ou contre les référendums ?

Publié le par COZILLICO

Contrairement à ce qu'affirme cet historien André ROPERT sur l'intérêt d'un référendum qu'il qualifie de populiste, COZILLICO juge que le référendum est loin d'être une imposture.

En s'appuyant sur l'histoire ancienne et récente, cet intellectuel semble considérer que le peuple qu'il appelle d'une manière assez méprisante "citoyen lambda" est manipulé à ces rares occasions référendaires et qu'il n'est pas capable d'arbitrer des choix qui vont conditionner sa vie et son avenir.

« Le pouvoir vient d’en haut, la confiance d’en bas » disait Bonaparte

Et bien COZILLICO pense que c'est tout le contraire, le pouvoir vient des citoyens, et la confiance doit être instaurée par ceux qui ont justement eu le pouvoir par les urnes !

Oui, le référendum est un processus contestataire du pouvoir en place et tant mieux lorsque celui-ci ne prend pas les directions pour lesquelles il a été élu, la majorité du peuple le sanctionne.

Oui, le référendum est aussi un moyen de conforter et de ratifier une décision, une politique qui va impacter fortement le fonctionnement de notre Nation, de la République de notre société.

Bien évidemment, le processus référendaire ne doit pas être utilisé comme outil habituel ou démagogique de gestion de la politique, ce qui aboutirait à une dictature du peuple, ce qui le galvauderait et voudrait dire que les parlementaires, représentants du peuple ou des élus locaux ne servent à rien.

Il a un caractère exceptionnel et solennel, pour arbitrer un choix lorsque les débats n'ont pas permis un consensus ou de trancher. lorsqu'un Président ou un parlementaire estime qu'il n'a pas été élu pour prendre seul cette décision et qu'il doit en référer à celui qu'il a élu. C'est un devoir de faire arbitrer sa décision par un référendum.

Ceux qui ont voté NON au traité européen de 2005, n'étaient pas majoritairement europhobes, mais ils ont refusé de signer en blanc pour un traité qu'il ne comprenait pas en l'absence d'une traduction pédagogique claire sur ses conséquences concrètes dans la vie de tous les jours du "citoyen lambda".

La réussite d'un référendum, si nous ne voulons pas qu'il soit récupéré par des extrémistes et lobbyistes divers et variés, est avant tout d'expliquer et de donner clairement un véritable choix, de débattre et d'argumenter puisque la réponse est simple OUI ou NON

Si il y avait eu un référendum pour le mariage pour tous : A la question de savoir si les homosexuels avait le droit de se marier civilement, je pense sincèrement que la réponse aurait été OUI et cela aurait évité tous les dérapages sur une si longue période et le sentiment de clivage de la société française que nous avons observé par la suite. Si la deuxième question était de savoir si un couple homosexuel et non l'un des deux conjoints pouvait adopter un enfant ou recourir à la PMA, la réponse aurait été NON.

En l'absence de référendum sur ces questions de la structure familiale dans notre société , les conséquences de cette loi ne sont toujours pas tranchées et le peuple est toujours divisé.

A savoir si François Mitterrand aurait du faire un référendum sur la peine de mort, cette question ne se pose pas puisque cette mesure était dans son programme électoral et que son élection en 1981 valait donc référendum à ce titre !

De même, si le référendum autoritaire de la Crimée a abouti à son annexion à la Russie, c'est parce que majoritairement les russophiles étaient présents dans cette province de l'Ukraine.

Si le nouveau gouvernement de l'Ukraine avait la sagesse d'organiser un référendum sur le devenir de l'Ukraine le 25 mai prochain, au lieu d'une élection présidentielle qui ne sera pas reconnue dans le contexte actuel, les ukrainiens voteraient majoritairement pour leur indépendance et la souveraineté de leur état et la messe serait dite !

Au lieu de cela cette élection exacerbe les tensions et n'a aucune chance de se tenir.

L'historien affirme que l’opinion publique, est non seulement manipulable, versatile, mais également conservatrice, casanière et méfiante face à la nouveauté.

Les seules fois où le peuple a été manipulé, c'est lorsque des dictateurs ont justement interdit les référendums. Le peuple n'est pas versatile si le gouvernant lui indique un cap clair et stable. Le peuple est conservateur sur ce qui fait ses valeurs et sur la remise en cause des principes fondateurs de notre démocratie. l'opinion publique est casanière et méfiante lorsque l'Etat cherche à imposer les revendications de minorités qui par la loi vont s'appliquer à la majorité.

Cet historien qui ne comprend pas pourquoi la Suisse a interdit la construction de minaret devrait se réjouir que cette décision ait été prise suite à un référendum, car s'il habitait un pays musulman, croit il que ce pays autorisait par référendum la construction d'une église catholique, d'un temple protestant ou une synagogue ?

Le processus référendaire est donc un gage d'une démocratie assumée. L'acceptabilité sociale est à ce prix !

COZILLICO

L’imposture référendaire.

le 9 mai 2014 16H45 | par

Périodiquement, on reparle dans les milieux politiques de référendum, comme si aucune des leçons administrées par le recours à cette procédure n’avait été retenue et que nul ne comprenait que le référendum est (et a toujours été) le faux nez démocratique du populisme.

Le référendum a été inventé par Napoléon Bonaparte en 1800, lorsque se rédige la constitution de l’an VIII, archétype des futures institutions bonapartistes. A l’époque, on dit plébiscite, un latinisme qu’on pourrait traduire par « décret du peuple ». Le mot étant un peu trop marqué historiquement par les règnes des deux Napoléon, le général de Gaulle lui préféra en 1945 « référendum » pour définir la consultation directe qui déciderait si l’assemblée élue serait constituante. Un autre latinisme, se rapportant au verbe latin reffere, qui signifiait à Rome « soumettre au vote ». Le terme est plus neutre mais le résultat est le même, une question est soumise aux électeurs qui répondent par oui ou par non et, donc, décident.

Fort bien. Il est facile d’y voir l’expression à l’état pur de la démocratie : le peuple dans sa totalité arbitre et ordonne mais est-ce lui qui a légiféré ? Evidemment non ; ce qui était concevable (et encore…) à l’échelle des micro-états de l’Antiquité grecque – le débat de l’assemblée de tous les citoyens sur la place publique – est inimaginable même dans l’hypothèse d’une extrême décentralisation, où il tournerait vite à la totale confusion. Les démocraties modernes ne peuvent être que représentatives. On demande donc aux électeurs de ratifier ou non un projet politique et il est très rare que celui-ci soit simple. C’était certes le cas du référendum d’octobre 1945 : « voulez-vous que l’assemblée devienne constituante ? ». Ce n’est pas celui de mai 1946, qui demandait d’approuver ou non la constitution établie par cette assemblée. Le citoyen lambda peut aisément avoir un avis sur la nécessité de rédiger une nouvelle constitution au sortir de la guerre, et il va de soi que c’est une assemblée élue qui va s’en charger. Va-t-il en revanche avoir le courage (et la compétence) de lire un texte abscons de plusieurs dizaines de pages comprenant 125 articles et d’en tirer un jugement assuré ? Je laisse le lecteur répondre…

Le citoyen lambda va donc s’informer. Auprès de qui ? Des journaux, des publications, il va entendre des débats où des commentateurs qu’on suppose qualifiés vont décrypter les textes pour en offrir un résumé accessible assorti généralement d’une appréciation, laquelle reflétera nécessairement le point de vue de celui qui la formule. En d’autres termes, le citoyen en quête d’intelligibilité va se trouver influencé à son insu par le regard de ses informateurs. A son insu ou de son plein gré, car s’il appartient à une famille politique, il va évidemment faire confiance aux avis qui émanent des organes des formations qu’il approuve et il va automatiquement faire siennes leurs propositions. Tant et si bien que le jour du référendum, ce n’est pas son avis personnel qu’il donne, mais celui qu’une petite oligarchie médiatico-politique lui a soufflé. La porte est grande ouverte à toutes les manipulations.

Il est bien connu d’autre part que le citoyen consulté répond autant à qui lui pose la question (autrement dit le pouvoir en place) qu’à la question elle-même. Napoléon le savait bien, qui voyait dans le plébiscite le moyen de donner une caution apparemment démocratique aux décisions qu’il avait lui-même prises, usant ainsi de son prestige personnel et le renforçant par la même occasion. Le général de Gaulle ne fit pas autrement et même François Mitterrand en 1992 (référendum sur le traité de Maastricht), lui pourtant jadis critique si acerbe des institutions néo-bonapartistes de la V° République. « Le pouvoir vient d’en haut, la confiance d’en bas » affirmait Bonaparte, Premier Consul. La procédure référendaire en est l’illustration magistrale.

Là se situe d’ailleurs le principal danger que constitue le recours au référendum. Que la crédibilité de l’autorité qui questionne soit atteinte, que le référendum soit perçu comme l’occasion de contester des choix politiques, seraient-ils sans rapport direct avec la question posée, et la consultation débouche sur un désaveu et le rejet de la proposition. En 1969, fatigués de De Gaulle, 52% de Français refusent un projet décentralisateur qui, s’il avait été mis en place, rendrait moins compliqué, sinon inutile le nécessaire réaménagement du fameux mille-feuilles administratif. En 2005, le non à un Traité constitutionnel européen (qui ne manquait pas de défauts, mais qui avait au moins le mérite d’exister et d’ouvrir la voix à la poursuite du projet européen sur des bases plus démocratiques) offre à l’europhobie nationaliste une victoire éclatante, transformation inespérée de l’essai marqué le 21 avril 2002, quand cette mouvance s’était imposée au second tour de l’élection présidentielle. J-M. Le Pen, qui crut bien ce jour là qu’il avait enterré l’Europe, jubila au point de couvrir la France d’affichettes remerciant tous les électeurs qui avaient voté non, y compris donc ceux qui avaient suivi MM. Fabius, Mélenchon ou Besancenot.

L’idée force du référendum s’inscrit dans ce postulat que « le peuple » serait porteur d’une sorte d’infaillibilité politique dans le sens du droit, de la justice et de l’impartialité. Dans la réalité, « le peuple », c’est-à-dire plus exactement l’opinion publique, est non seulement manipulable, versatile, mais également conservatrice, casanière et méfiante face à la nouveauté. Les politiques le savent bien. Qui de ceux qui clament haut et fort aujourd’hui les vertus du référendum qui « donne la voix au peuple » seraient prêts, à l’heure qu’il est, à proposer une consultation de ce type sur l’accueil à faire aux Roms ou sur une proposition de quotas à l’immigration ? François Mitterrand s’est bien gardé, en 1981, de mettre à référendum la question de la peine de mort.

Nous avons un exemple voisin, la Suisse, où la décentralisation cantonale et une tradition séculaire font de la consultation populaire (la votation) un fondement constitutionnel. C’est pourquoi il est interdit aux Musulmans d’élever des minarets sur le territoire de la Confédération et que ce dernier est pratiquement fermé depuis peu aux travailleurs étrangers.

C’est aussi grâce à ce dispositif ultra-démocratique que de nombreuses Suissesses ont été en Europe les dernières femmes à se voir privées du droit de vote.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article